Ce mardi 13 juin 2017 nous a offert
l’opportunité de passer une journée ensoleillée dans les merveilleux locaux de
l’Université pour le conseil de collège, dans une atmosphère de dialogue et
d’échange. Nous ne nous en cachons pas, nous nous sommes délectés de cet
intermède démocratique, qui nous a beaucoup plus apporté que de se prélasser sur
un transat en attendant l’été.
(sic)
Acte I
La séance s’ouvre sur le
délicieux sujet des Ecoles Universitaires de Recherche en économie et en droit
(et chacun la sienne, cela va de soi). Elles seraient accessibles à partir d’un
Bac +4 à une soixantaine d’étudiants par an qui souhaiteraient ajouter une
thèse à leur pedigree, plus « professionnalisante », selon les
porteurs du projet, que le doctorat classique. L’admission se ferait sur
« critères académiques » tant obscurs qu’imprécis.
Le but, nous
rassure-t-on, n’est certainement pas d’accaparer les contrats doctoraux du
parcours classique, mais au contraire de pallier l’ultra-spécialisation dont
souffrirait l’Université. Elles seraient financées en partie par l’IdEx (qui
renflouerait les moyens des labos) et de bons samaritains privés qui
trouveraient leurs intérêts dans les sujets de « recherche » – ou de « rhétorique »,
c’est selon votre conception de la discipline.
Quel intérêt ? Nous vous
voyons venir, grands curieux !
En tout premier lieu, dégainer la carte
prestige des facultés pour rivaliser avec les universités voisines (Toulouse
pour l’économie notamment). Mais aussi redorer le blason de nos formations et
leur offrir une plus grande valeur sur le marché du travail.
En d’autres
termes, pour ceux qui ne sont pas dans les tuyaux, renforcer la formation à
deux vitesses. Sceptiques ? N’oublions pas l’exemple de l’IEP, autrefois
nos collègues, aujourd’hui nos concurrents.
A l’heure de la loi sur la
sélection en master, l’idée est évidemment malvenue. Mais n’ayez crainte, la
question n'a pas soulevé de problème autour de la table. Quelques-uns se sont
tout de même inquiétés pour la rémunération supplémentaire des enseignants et
Sieur Grard, notre cher directeur de collège, s’est félicité d’y trouver un
argument pour empêcher de nouveaux gels de postes (s’il en fallait un de
plus…).
Seuls vos fidèles serviteurs et
leurs voisins de table étudiants se sont posé la question de la soutenabilité
administrative et des conséquences d’une telle mise en concurrence des
étudiants. Nous nous sommes même risqués à proposer d’innover dans les parcours
ordinaires plutôt que de les délaisser au profit de nouveaux parcours
sélectifs.
Nous n’avons visiblement pas fait l’unanimité ; nous nous
sommes même vus répondre que c’est « le sens de l’histoire ».
Rassurons-nous tout de même : le projet prévoit 2 postes d’administratifs
à temps complet supplémentaires pour chaque école universitaire, dont le
financement serait attribué par un concours que nous sommes apparemment très
peu sûrs de gagner. Qu’à cela ne tienne : le projet est adopté à la
majorité à 5 voix contre.
Et après
investigation, nous pouvons affirmer que les financements seront bel et bien
attribués.
Acte II
Vient ensuite la question
épineuse de la sélection en master. Tout impatients que nous sommes, nous nous
étonnons rapidement d’être les seuls si informés (et furieux) sur la question.
La direction nous présente d’abord des chiffres, royalement incomplets, qui ne
font pas frémir le moindre poil sur le crâne de nos éminents sages.
Sieur Grard
prend la parole le premier pour invectiver vos fidèles serviteurs et les
accuser d’avoir sciemment manqué à la procédure en interpellant la présidence de
l’université avant lui. Tout vexé qu’il est, il élève sa voix de patriarche
pour nous remettre à notre place devant sa compagnie. Lui rétorquer notre souci
d’efficacité ne sert à rien.
Bien, nous nous sommes fait gronder comme des
enfants, voilà qui annonce un heureux débat démocratique.
L’ensemble de l’équipe dirigeante
se défend alors d’avoir fait circuler de mauvaises informations – ce que l’un
de vos serviteurs présent en amphi pourra authentiquement discréditer.
Nos
seigneurs admettent tout de même que les moyennes faibles au semestre 5 et les
vœux 4 et 5 n’ont systématiquement pas été étudiés par la faculté d’économie,
arguant la saturation des capacités d’accueil. Quand nous leur demandons
pourquoi le choix a été fait d’intégrer 45% de candidats extérieurs au
détriment des étudiants de l’UB, nous n’obtenons que silence et haussements de
sourcils agacés.
Puis Sieur Blancheton, directeur de la faculté d’économie,
annonce assumer collectivement cette décision (prosopopée !), précisant
que les étudiants recalés pourront toujours aller à la Rochelle (dont nous
savons que les capacités sont déjà remplies), avant de se désengager auprès du
recteur, qui doit, à son avis, faire aussi sa part de besogne.
Finalement Sieur
Grard clôt le débat en nous accusant de vouloir mettre en place une
discrimination positive scandaleuse à l’égard des étudiants bordelais.
Les
hostilités sont lancées à vive allure sur la pente de la mauvaise foi. Sieur
Herbach, directeur de l’IAE, saisit l’occasion pour lâcher un trait
d’esprit : les étudiants recalés ne sont malheureusement que des
« boulettes ». Le mépris est à son paroxysme.
La causerie dévie ensuite sur la
sélection prévue l’année prochaine, sans tenter de trouver de nouvelles
solutions pour cette année. Les consignes de la présidence demandant
l’admission immédiate de tous les étudiants ayant une moyenne égale ou supérieure
à 11,5 sont déjà une trop grosse concession, il est hors de question d’accorder
la moindre nouvelle faveur au fief ennemi. On nous rappelle d’ailleurs que cette barre de 11,5 ne doit pas être
communiquée, car elle ne sera pas reconduite l’année prochaine.
L’ergotage s’étend
finalement en longues élucubrations sur ce qu’il aurait été intelligent de
faire (fixer les modalités de sélection, informer sur l’ordre des vœux,
réorganiser le calendrier d’admission par exemple ?) pour venir s’écraser
pathétiquement sur la solution miracle de la césure, rappelée par Dame Bertin.
Décidément, tout est bon pour bouter nos étudiants hors de nos facs !
Dans
notre désarroi, nous ne sommes malheureusement pas surpris par le désintérêt et
l’incompétence chronique de nos interlocuteurs, avouant eux-mêmes avoir
sous-estimé l’attractivité de l’université de Bordeaux. Pour eux, les étudiants
ne sont que des stats et notre colère puérile.
Acte III
Mais nous ne sommes pas encore au
bout de nos surprises ! Le département des langues nous annonce une
nouvelle suppression des heures de TD d’anglais (qui avaient déjà fortement
diminué en début d’année). Nous noterons le cas particulier offert à l’anglais
dont échappent, heureusement mais pour de mauvaises raisons, l’allemand et l’espagnol.
Désormais, nos licences ne bénéficieront plus que de 7h30 de TD en présentiel,
accompagnées d’environ 7h30 de travaux en ligne, pour des classes se limitant à
une vingtaine d’étudiants.
L’idée est de construire un cours sur la plateforme
Moodle qui devra être travaillé en amont et restitué en TD pour favoriser
l’oral. Le concept de pédagogie inversée est évidemment défendu depuis des
années par vos serviteurs et l’idée de proposer un socle de compétences
harmonisé et une évaluation finale commune est séduisante. Cependant nous
sommes sceptiques sur les dispositifs du projet. La dématérialisation sur
Moodle existe depuis longtemps et les enseignants ont déjà les moyens de
proposer leur cours en amont (ce que certains font, d’ailleurs) : quel
intérêt de supprimer du présentiel ?
Concernant la répartition des
étudiants à 20 par TD, la promesse avait déjà été formulée lors de la refonte
des maquettes l’année dernière et n’a en aucun cas été tenue, comment
pourrait-elle l’être pour cette année ?
Aucun engagement sur l’ouverture
de postes supplémentaires n’est formulé. Les échanges montent dans les tours,
Sieur Diallo, enseignant en langues, écope du même sermon infantilisant que
nous-mêmes une heure plus tôt, puis les exercices de vocalise sont coupés secs
par le grand chef d’orchestre. La mesure est adoptée à la majorité (5 voix
contre, 2 abstentions).
A ceux qui pensent encore que l’université
va bien : l’apathique est toujours coupable de son ignorance.