jeudi 19 janvier 2017

"Conseil tenu par les rats" - Compte Rendu du conseil de Collège du 17/01/2017

Chers lecteurs, vos serviteurs du collège du site Pessac reprennent la plume, après une si longue absence, pour vous narrer les chroniques universitaires de cette merveilleuse nouvelle année. Merveilleuse ? Parce qu’elle nous réserve de fabuleuses aventures, comme toujours pleines de bon sens et d’agréables surprises.
La première trouvaille de l’année, je nomme : les sélections en master. Enfin ! Du fin fond de son palais luxuriant, notre bon roi a daigné poser son regard sur la déconfiture de son service public universitaire. Mais rassurez-vous, il est resté fidèle à ses convictions, il nous a pondu une loi pour le faire tomber encore plus vite, et obtenu par la même occasion le soutien inconditionnel de ses vassaux bordelais. 

Un Chat, nommé Rodilardus,
          Faisait de Rats telle déconfiture
               Que l'on n'en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son soûl ;
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
               Non pour un Chat, mais pour un Diable.


Vous comprendrez bien, chers lecteurs, que devant une si grande nouvelle, je ne peux rendre compte de cette séance de manière exhaustive. Aussi, je n’entrerai pas dans les détails des autres points « discutés », comme la nouvelle unité professionnalisante en droit, le vote des statuts de l’IAE, la présentation des nouvelles modalités de stage, du projet de plateforme numérique de réorientation des étudiants en difficulté et la mise en place du système de base de données Bloomberg acheté pour des sommes exorbitantes à un millionnaire américain qui s’économisera les impôts en France. Vous en conviendrez, rien de très exaltant.


               Or, un jour qu'au haut et au loin
               Le Galand alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin
               Sur la nécessité présente.

Autour de la table, les esprits sont donc prêts, c’est flagrant, à aborder la question polémique de la sélection en master. Ou « recrutement », comme le souligne notre cher directeur de collège, seigneur Grard, qui pense qu’une subtilité sémantique apaisera la colère de vos serviteurs éclairés. Soyez rassurés, il se trompe.
Petit détail pour dresser un tableau fidèle : ni Sieur Maveyraud, directeur adjoint au collège, ni Sieur Blancheton et Sieur Cazal, respectivement directeur et directeur adjoint du conseil de faculté d’économie-gestion-AES, ne se sont déplacés. Les fervents partisans du projet de sélection ne pourront donc pas le défendre, malgré leur dévouement remarqué en conseil de faculté pour le faire voter. Cela fait mauvais genre. Preuve de l’intérêt qu’ils portent à ce projet raisonnablement indéfendable. Si débâcle il doit y avoir, Sieur Grard se trouvera bien seul.

Pour récapituler, la loi de décembre 2016 autorise (et n’impose pas, comme ces techniciens voudraient nous faire croire) la sélection à l’entrée du deuxième cycle jusque-là illégale. Cette loi s’applique à tous les masters 1, sauf ceux de droit protégés jusqu’en 2018 par un régime dérogatoire. La loi prévoit la mise en place d’un portail d’information sur tous les masters de France et de Navarre et leurs conditions d’admission.

Jusque-là le plan semble parfaitement ficelé, seulement voilà : il reste flou sur un certain nombre de points cruciaux, tels que la garantie du droit à la poursuite des études dans le parcours choisi, les modalités de recrutement et bien d’autres encore. C’est donc sans scrupule ni rigueur juridique que Sieur Grard soumet à son assemblée un projet modifiable à souhait après le vote. De toute façon, nous avoue-t-il d’un air faussement triste, le collège n’a pas de pouvoir décisionnaire sur ce genre de question, pieds et poings liés qu’il est aux diaboliques CFVU et CA. Décidément, le collège n’est jamais responsable de ce qu’il impulse… C’est commode.


Dès l'abord, leur Doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
               Qu'ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis ils s'enfuiraient sous terre ;
               Qu'il n'y savait que ce moyen.
Chacun fut de l'avis de Monsieur le Doyen ;
Chose ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d'attacher le grelot.

Dame Bertin, directrice adjointe, se lance la première. Elle nous présente un tableau un peu maigre, avec quelques chiffres sommaires. Elle tente de devancer les éventuels arguments d’opposition en nous assurant que les capacités d’accueil étant plus larges que les effectifs de l’année 2016-2017, ils ne créeront pas de réelle sélection. Ce qui n’est par ailleurs que partiellement vrai. L’enfumage commence.
Votre valeureux serviteur consulte immédiatement les documents plus détaillés qu’il s’est procuré auprès du conseil de faculté d’économie-gestion-AES (où le projet a été validé en amont). Il est d’ailleurs le seul à s’être débrouillé pour les trouver, le conseil de collège se gardant bien de les distribuer à tous les membres de peur qu’ils n’aient trop de raisons de contester. Votre serviteur relève la première incohérence : si la loi autorise la sélection en master 1, elle ne légalise pas celle en master 2. Pourtant, dans les documents apparemment confidentiels, les capacités d’accueil en master 2 sont précisées et même inclues à celles de master 1. Double sélection ? Sélection en master 2 déguisée ? Nous nous interrogeons, mais Sieur Grard vole vite à notre secours : ce n’est pas une sélection mais une « réorientation ». Il a visiblement choisi de poursuivre sa bataille sémantique pour essayer de sauver la face.

Les baladins d’Esprit Etudiant se réveillent : qu’en est-il des redoublants en master 1 ? Notre directeur botte en touche, aucune transition n’est prévue, et il n’a pas non plus d’idée.

Les doctorants demandent la parole pour soulever un troisième problème. Dans le cas où les étudiants d’AES seraient refusés en master d’économie, ils se retourneront légitimement vers le droit qui ne souffre pas de sélection ; ce qui risque de surcharger (encore plus !) la filière droit. Sieur Grard est décontenancé et ne trouve rien d’autre à leur reprocher que leur pessimisme. Un peu léger. Nous reposons la question pour obtenir des précisions. Cette fois-ci c’est le seigneur Saint Pau, directeur de la faculté de droit, qui se lance, peu serein. Il avoue : effectivement il n’avait pas anticipé cette question… Malaise. Mais heureusement, il trouve vite une pirouette. Un étudiant d’AES peut légitimement demander son entrée en droit, mais il sera sûrement refusé par la commission d’équivalence. La commission d’équivaquoi ? Encore une vaste fumisterie déterrée des tréfonds de l’imaginaire des membres du conseil peu au fait de la réglementation en vigueur. Mais qui prouve une fois de plus la volonté affirmée des professeurs de droit de préserver leur cercle fermé de juristes élitistes ! Que Sieur Grard confirme sans gêne.

Le chevalier Pariente s’insurge à son tour et le ton monte d’un cran. Comment peut-on chercher à recaler les AES en droit, à moins de vouloir définitivement détruire toute perspective de débouchés de la filière ? Sur ce point nous sommes d’accord. Mais notre directeur qui vient de perdre un point, se vexe et retourne sa houppelande : nous l’avons mal compris, il parlait de l’entrée en économie ! Argument hasardeux, qui n’a pas plus de sens que le premier. En termes de joute verbale, l’assemblée a vu meilleur candidat.
Sieur Saint Pau tente de voler à son secours : les AES ne peuvent aller qu’en économie, preuve en est l’appartenance de la filière à la fac d’économie-gestion (ce qui, soit dit en passant, n’a pas toujours été…). Un petit tour sur le site de l’université nous prouvera vite le contraire : tout titulaire d’une licence de droit, d’AES ou de LAP peut faire une demande d’admission. Décidément, tous les moyens sont bons pour noyer le poisson, et pas que les plus honnêtes.

Le chevalier Pariente rétorque : cette sélection en master d’économie a nécessairement des impacts sur la filière de droit, il s’agirait de prendre le problème dans sa globalité avant de se prononcer. Mais personne ne se sent concerné. L’agitation naissante retombe et la passivité et l’incompétence reprend sa place confortable autour de la table.
Votre serviteur relance : les capacités d’accueil établies sont basées sur le nombre d’inscrits durant l’année en cours, mais ne tiennent compte ni de la hausse du nombre d’étudiants chez les générations à venir, dont la courbe ne cesse de monter depuis quelques années, ni du problème de visibilité qu’ont connue les plaquettes de master l’an dernier qui n’a pas incité les étudiants à s’inscrire. Il y a fort à parier que ces capacités seront beaucoup trop restreintes pour les années qui arrivent. L’assemblée opine du chef, mais personne ne réagit, encore une fois.
OSB IV relance : ajouté à la sélection déguisée en master 2 de droit, celle prévue en master 1 et 2 d’économie va encore augmenter considérablement la tâche des scolarités, déjà en surcharge de travail. La scolarité approuve. Mais elle ne se défend toujours pas. Sidérant.
L’Unef se réveille et questionne sur l’utilité de cette capacité d’accueil si elle ne mène pas à une véritable sélection. Effectivement, nous sommes perplexes. Notre cher directeur ne parvient pas à sortir de réponse, l’assemblée se regarde dans le blanc des yeux.


L'un dit : Je n'y vais point, je ne suis pas si sot ;
L'autre : Je ne saurais. Si bien que sans rien faire
          On se quitta.

Face à cette inertie affligeante et le mépris affiché du directeur de collège, nous sommes démunis. Il annonce le vote pour la sélection en économie-gestion-AES (que nous avons demandé à bulletin secret). 5 contre, 3 blancs, 18 pour.

Le semblant de débat reprend avant le vote concernant les masters 2 de droit. Le directeur de la faculté de droit justifie la dérogation par le souhait de ne pas priver les étudiants de l’accès aux concours en bac +4. Très louable, mais nous notons encore une fois son désintérêt total pour les étudiants d’économie-gestion-AES voulant passer des concours. A la question des ménestrels d’Esprit Etudiant concernant la baisse des capacités d’accueil par rapport à l’an dernier, il répond fièrement. Pour des raisons pédagogiques d’une part (mutualisation avec d’autres cours) mais surtout structurelles : il n’existe sur le site de Pessac aucune salle pouvant accueillir un master 2 dont la capacité soit supérieure à 45 places. Chers lecteurs, si vous vous promenez du côté du bâtiment D et que vous tombez sur ces mystérieuses salles (mais bien réelles !) que Sieur Saint Pau n’a jamais trouvé, faites-lui savoir !
Le dernier argument désespérément lancé est piètrement contré par Dame Geng. La réorientation opérée par le recteur pour les étudiants recalés en vertu du droit à la poursuite des études permet d’envoyer des étudiants dans des universités qu’ils n’ont pas choisis. Mais elle n’est pas hasardeuse : elle permet d’offrir de nouvelles opportunités aux étudiants qui n’auraient pas su aller les chercher, trop sots qu’ils sont !

Vos serviteurs sont stupéfaits face à tant de mauvaise foi. Le vote valide une nouvelle fois, à 6 contre, 2 blancs et 18 pour. Les paladins de l’OSB IV ont perdu la main face à des poupées de chiffon. La bataille a viré au carnage. Les soutiens se sont vite mis à l’abri, laissant nos deux vaillants chevaliers en proie aux coups les plus vicieux.

J'ai maints chapitres vus,
          Qui pour néant se sont ainsi tenus :
Chapitres, non de Rats, mais chapitres de moines,
               Voire chapitres de chanoines.

Ne faut-il que délibérer,
La cour en conseillers foisonne ;
Est-il besoin d’exécuter,
L’on ne rencontre plus personne.