mardi 9 janvier 2007

Le poids "écrasant " de la dette...


Bien le bonjour à vous, comme il y a dans cette université quelques économistes tout de même, je vous propose de lire cet excellent article du Monde qui tempère la vision économique actuelle qui veut que la France vive au dessus de ses moyens...


le Monde 9 janvier 2007


Paradoxe ? Alors que la réduction de la dette est une priorité affichée du gouvernement, Jacques Chirac a proposé, lors de ses voeux, une réduction de l'impôt sur les bénéfices des sociétés de 33 % à 20 % en cinq ans. De son côté, le ministre des finances, Thierry Breton, a engagé en décembre une réflexion sur la retenue à la source de l'impôt sur le revenu à partir de 2009, qui aurait pour effet d'éviter l'imposition des revenus 2008. Même si cette réforme, en réalité, ne permettra pas de sauter une année d'imposition - les impôts 2009 étant perçus plus tôt à la place de ceux de 2008 -, la pédagogie de M. Breton, généralement appliquée à expliquer les méfaits de la dette, en devient en tout cas moins lisible.

Son ministère a pourtant pu annoncer, mardi 2 janvier, une bonne nouvelle : la baisse de l'endettement de l'Etat en 2006. A la fin décembre 2006, la dette négociable s'est établie à 876,59 milliards d'euros, soit 0,76 milliard de moins qu'en 2005. Le chiffre total de la dette des administrations publiques à la fin 2006 - qui inclut la dette des collectivités locales et des administrations de Sécurité sociale et atteignait 1 151,8 milliards d'euros le 30 septembre - ne sera connu qu'en mars 2007. Mais l'objectif de diminuer le ratio de la dette totale des administrations publiques dans le produit intérieur brut (PIB) de 66,6 % du PIB à 64,6 % devrait être atteint au 31 décembre 2006 voire dépassé.

"FACILITÉ"

L'amélioration provient de plus-values fiscales qui seront "bien au-dessus" des 5,1 milliards d'euros annoncés en décembre, a précisé le ministre du budget, Jean-François Copé, le 4 janvier. D'autre part, 15,6 milliards d'euros de rachats de dette ont été effectués, notamment grâce aux recettes de privatisations. Enfin - et surtout - l'Etat a réduit sa dette à court terme en gérant au plus près sa trésorerie. Le stock d'emprunts à court terme (BTF) a ainsi été réduit de 29,1 milliards d'euros en 2006.

Faut-il alors croire les Cassandre martelant "l'insoutenabilité" d'un endettement public représentant, selon le rapport rendu par la Commission présidée par le président de BNP Paribas, Michel Pébereau, à M. Breton en décembre 2005, 41 000 euros par ménage, et la menace que fait peser sur l'économie un Etat vivant au-dessus de ses moyens ?

L'endettement reste certes au-dessus de la norme européenne des 60 % du PIB. Le rapport Pébereau proposait de "rompre avec la facilité de la dette publique". Il prenait en compte aussi les engagements futurs de l'Etat, notamment les retraites des fonctionnaires, pour un montant compris entre 400 et jusqu'à 1 000 milliards, si l'on applique "les normes comptables des entreprises privées".

Mais, justement, explique Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à l'ESCP-EAP et à l'Ecole des mines de Paris, l'Etat n'est pas assimilable à une entreprise privée : il est "éternel" et "différent par la nature de ses missions". Pierre Cailleteau, directeur de l'analyse de la politique économique et financière de l'agence Moody's, ajoute : "Lorsque nous notons les risques de défaut de paiement de l'Etat français, nous lui attribuons la meilleure note, Aaa." "Ses finances publiques sont bien plus robustes que celles de la plupart des pays du monde", dit-il. Si une crise de confiance est donc exclue, "l'analyse du profil de risque de la France tient en deux questions majeures : est-ce que l'augmentation de la dette répond à une logique d'investissement public "productif" ou au moins porteur d'avenir ? Comment les passifs futurs - les engagements sociaux sur les retraites et la santé, liés au vieillissement de la population - seront-ils couverts ?", explique M. Cailleteau. L'Etat ne risque donc pas de faire défaut à ses créanciers, mais plutôt de réformer les prestations de ses assurés.
Parce que sa signature est excellente et la gestion de sa dette par l'Agence France Trésor (AFT) réputée, l'Etat se finance d'ailleurs au meilleur coût : un taux de 3,43 % à un mois et de seulement 4,03 % à cinquante ans. "Depuis deux ans, nous arrivons à nous financer avec quasiment les mêmes taux d'intérêt que l'Allemagne à un point de base près (0,01 %), ce qui fait de la dette de l'Etat français une des moins coûteuses de la zone euro pour les contribuables", explique Benoît Coeuré, directeur général de l'AFT. L'avènement de l'euro a aussi permis à l'Etat de s'adresser au marché mondial de l'épargne, la dette française étant détenue à près de 60 % par des non-résidents. "Jusqu'en 1999 et la création de l'euro, le Trésor représentait 85 % des émissions obligataires d'Etat en francs. Il se trouvait dans la situation de la "baleine dans l'étang", chaque mouvement provoquait une vague et éclaboussait les autres acteurs. Aujourd'hui, le Trésor français ne représente plus que 20 % des émissions de dette souveraine en euros. C'est une différence considérable. La diversification des acheteurs permet une grande liberté de politique d'émission et apporte beaucoup de stabilité contre les crises financières", explique M. Coeuré.

L'image du bas de laine du ménage ou de la trésorerie d'entreprise, qu'il faudrait à tout prix "équilibrer", ne s'applique pas véritablement à la dette publique. Cette dernière est en fait l'un des instruments financiers permanents de la puissance de l'Etat. Ce qui n'exempte pas de la gérer au mieux.

Adrien de Tricornot